La Déva des abeilles

par TerranMagazines.

Article rédigé par Sandira Belia à retrouver dans le quinzième numéro de la revue Abeilles en liberté.

Cela peut paraître curieux, mais les abeilles me parlent. Je les écoute, et leur parle à mon tour. Les conversations qui s’opèrent sont parfois des plus étonnantes. Leurs messages sont truffés d’informations variées que je n’ai parfois entendues nulle part ailleurs. J’appelle cet être avec qui je converse la « Déva des abeilles ».

Vivre dans le hummm…

La Déva des abeilles est une « Âme groupe », une conscience collective. Elle n’est pas identifiée à une colonie particulière et bien qu’il me soit plus aisé de la contacter lorsque je suis à proximité d’une ruche, ce n’est pas une condition indispensable. Nos communications se font par voies diverses, plus ou moins physiques ou subtiles. Parfois, la Déva des abeilles me rend visite sous forme énergétique, invisible à mes yeux physiques, mais clairement perceptible et tangible à mes sens subtils. D’autres fois, elle m’envoie une messagère : une abeille qui vole autour de moi avec un bourdonnement d’une fréquence inhabituelle, ou qui se pose dans mon cou et murmure à mon oreille.

Abeille sur poitrine de Sandira Belia
Les abeilles sentent l’énergie qui émane de notre cœur. Lorsque nous les abordons avec ouverture et patience, il n’est pas rare qu’elles montrent de clairs signes de curiosité ou d’affection.
Essaim d'abeilles
Les abeilles sentent l’énergie qui émane de notre cœur. Lorsque nous les abordons avec ouverture et patience, il n’est pas rare qu’elles montrent de clairs signes de curiosité ou d’affection.

Notre mode de vie occidental nous a habitués, pour la plupart d’entre nous, à entretenir un fort taux de fréquences cérébrales de type bêta. Les ondes bêta élevées caractérisent les pensées dites « ordinaires », qui analysent, réfléchissent et commentent. Ce flot incessant de pensées encombre notre esprit, et nous rend moins réceptifs à la guidance des esprits de la nature.

Certaines pratiques, comme les voyages chamaniques, la méditation, le chant ou la danse encouragent le développement d’autres gammes de fréquences cérébrales (notamment les ondes thêta), plus propices à la perception subtile. L’encombrement de l’espace mental s’estompe alors, ouvrant la voie à de nouvelles dimensions de la réalité. La Déva des abeilles nomme cet espace le « hummm ». Vivre dans le hummm, au quotidien, implique de se défaire des addictions du cerveau analytique à juger, pondérer ou commenter chaque détail de notre vie, pour développer une nouvelle relation au monde, une relation d’Âme à Âme. Le hummm invite la confiance, la simplicité, et à s’abandonner aux forces alliées dont l’entendement dépasse les capacités du cerveau rationnel.

L’abeille, miroir de notre état intérieur 

C’était au printemps, un énorme essaim s’était installé de lui-même dans un vieil attire-essaim placé au milieu des cistes. Lorsqu’il a le choix, l’essaim préfère emménager dans un vieux corps de ruche suranné plutôt que dans une caisse neuve en bois. La vieille ruche disloquée et noircie par les générations de précédents locataires l’avait donc séduit.

Portrait de Sadira Belia
Certaines colonies d’abeilles peuvent être apprivoisées. Si nous visitons la colonie régulièrement, avec douceur et respect, elle apprend à nous reconnaître et une amitié peut se développer.

Avec ma collègue, nous souhaitons lui offrir un logis plus étanche et solide pour l’hiver, et décidons de le transférer dans une ruche neuve joliment peinte. La journée est choisie avec soin : temps ensoleillé, sans vent, et lune en « jour racine »1.  Nous nous approchons de la colonie à pas feutrés. À cinq ou six mètres de la ruche, nous marquons un temps d’arrêt, lui demandons la permission d’entrer dans son aura et lui exprimons notre intention. C’est la moindre des politesses que de frapper à la porte lorsqu’on visite des amis, n’est-ce pas ? La réponse ne tarde pas : la porte énergétique s’ouvre et nous aspire subtilement vers l’avant. Agréable sensation de bienvenue.  J’allume l’enfumoir avec un mélange de plantes locales séchées et quelques morceaux de propolis. La fumée aux senteurs balsamiques embaume et sacralise l’espace tel de l’encens dans un temple indien. Nous nous smudgeons2 l’une l’autre pour nettoyer et ajuster nos corps énergétiques. L’enfumoir est placé près de la ruche et libère ses gracieuses volutes tout au long de l’intervention.

Nous savons que l’opération qui nous attend est délicate ― chirurgicale même ― car elle implique l’ouverture du nid à couvain. Nous avons apporté les voiles de protection en cas de besoin, mais ils sont inutiles, tant nous nous sentons bienvenues et accueillies. Nous déplaçons la ruche devant son support, et positionnons la caisse neuve à l’emplacement de l’ancienne. Les cadres sont transférés un à un dans leur nouvel espace, délicatement. Bouger les cadres de rive ne provoque aucune réaction défensive, mais à mesure que nous nous approchons du centre et touchons aux cadres de couvain, la tension monte… Le bourdonnement du nuage d’abeilles qui nous entoure devient plus dense, sans pour autant être agressif : « Attention, nous disent-elles, ceci est notre trésor le plus précieux ! ». Présence et précision sont essentielles, le moindre geste trop abrupt peut déclencher une attaque colossale… Lorsque le dernier cadre est déplacé et le nouveau foyer de la colonie refermé, le bourdonnement se calme peu à peu. La ligne de confiance a été conservée tout au long de l’action. Un sentiment de profond respect mutuel se fait sentir.  Une fois de plus, je constate à quel point mon état intérieur est reflété par le comportement avec lequel les abeilles répondent. La peur et les pensées chaotiques seront réverbérées par une attitude défensive. Le calme et la confiance engendrent la confiance et le calme… qui engendrent le calme et la confiance… et ainsi de suite…

L’impact de l’ouverture du nid à couvain

Si nombre d’apiculteurs conventionnels considèrent la ruche comme une simple machine à produire du miel ― ou à polliniser les cultures ―, je nourris l’espoir d’une prise de conscience collective que l’abeille est avant tout un être vivant, qui mérite douceur et respect.

Je me souviens d’une anecdote, vécue lors d’un atelier d’introduction à l’apiculture biologique auquel je participais, il y a plusieurs années. Au milieu du stage, une sortie au rucher était organisée. Le port du voile était obligatoire avec l’option encouragée d’ajouter plusieurs tours de ruban adhésif autour des poignets et chevilles.

L’apiculteur souleva le toit de la première ruche comme s’il s’agissait d’un capot de voiture. Lorsqu’il sortit un cadre de couvain, la colonie s’enflamma, enragée par l’intrusion inopportune de ces géants en habits de cosmonautes. Un nuage d’abeilles en colère se déchaîna sur le groupe agglutiné au-dessus de la ruche. Des centaines d’ouvrières perdirent leurs dards ―  et leur vie ― en essayant de harponner les agresseurs au travers de leurs épaisses armures de coton.

Malgré le message, clairement exprimé, que nous n’étions pas les bienvenus, personne ne bougea, et le professeur continua sa démonstration comme si de rien n’était. Il me sembla lire sur certains visages une étrange expression de pouvoir et de satisfaction, du fait de se sentir intouchable aux flèches venimeuses des demoiselles en rage. Cet événement renforça ma détermination à enseigner une approche radicalement différente, une approche à l’écoute, aimante et holistique, pour ceux qui recherchent un contact plus sensible avec le vivant.

Lors d’une de mes conversations avec la Déva des abeilles, je reçus ce message, au sujet du nid à couvain : « La nurserie est notre Graal, le plus précieux sanctuaire de notre temple, d’où coulent les liens qui nous relient à la Source. Le calme, la discipline et l’hygiène y sont de mise. Pendant la saison de ponte, le nid est perpétuellement maintenu aux alentours de 34 ou 35°C, température proche de celle de votre sang, chers humains. Son air est précieusement contrôlé, son chœur savamment orchestré. L’ouverture du nid à couvain par un humain ignorant cette précieuse orchestration est particulièrement intrusive. L’impact de la lumière solaire directe sur le couvain influe sur son développement et son apprentissage. Il nous faudra plusieurs heures de travail, parfois plusieurs jours, pour restaurer son atmosphère.

L’espace sacré du nid à couvain est un antre de douceur, bercé par les chants entrelacés des nourrices et des mâles. Leurs chants transmettent les enseignements subtils nécessaires à l’initiation des générations à naître. Les demoiselles chantent le présent, l’odeur des fleurs, la courbure de l’horizon et la température du vent, ainsi que l’essence des tâches que la vie terrestre leur réserve. Les mâles, quant à eux, sont des conteurs d’histoires : ils chantent le passé et l’avenir, le murmure des ancêtres et le contrat qui nous relie à l’humanité. Les bourdonnements mâles et femelles se combinent en une symphonie parfaite, berceuse à la fois céleste et terre à terre, accompagnant nos petits dans leur processus d’incarnation. »

Transfert de colonie
Transférer une colonie dans un nouveau corps de ruche est une opération délicate. L’état de calme intérieur de l’opérateur est déterminant pour le succès de la procédure sans l’usage du voile, car les abeilles sont extrêmement sensibles aux énergies de peur, de doute, et au bavardage mental.
Sandira Belia couchée avec les abeilles
Pour prendre un bain d’abeilles, je m’allonge sous la colonie et insère les embouts d’un stéthoscope dans les trous percés à cet effet au dos de la ruche. Soudain, me voilà dans une cathédrale, assistant au concert de milliers de choristes en symphonie…

  1. Les cycles solaires, lunaires et planétaires ont une influence notable sur le climat, l’énergie de la Terre et l’humeur des abeilles. Depuis plusieurs années, j’utilise le calendrier lunaire comme agenda. J’y reporte mes observations et explore les relations entre Abeilles, Terre et Cosmos. Selon la position de la lune dans le ciel, les influences des différents éthers (terre, eau, feu et air) sont plus ou moins renforcées. Ainsi, un « jour racine » indique une affinité particulière entre les astres et l’élément terre : ces journées sont propices au calme et à l’enracinement, autant physique que psychologique et spirituel.
  2. « Smudger » (de l’anglais to smudge) est une pratique qui consiste à enfumer le corps énergétique d’une personne avec des plantes médicinales ou aromatiques. Cela a un effet calmant, nettoyant et protecteur. Je me sers rarement de l’enfumoir à l’intérieur de la ruche. Employée à l’excès directement sur les abeilles, la fumée a un effet oppressant plus que calmant.


Retrouvez le quinzième numéro de notre revue sur la boutique des éditions Terran Magazines :

3 réponses à “La Déva des abeilles

  1. Extrêmement intéressant ce rapport avec les abeilles . J’ai pour ma part constaté de singulières attitudes avec des abeilles , fidèles à des rendez-vous et qui semblaient satisfaites de me rencontrer , montent sur les doigts sentent , boivent au creux de la main … étonnant.

  2. Merci infiniment pour cette expérience partagée qui correspond totalement à ce que je développe avec mes amies accueillies au jardin. Ça fait du bien

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