Être avec les abeilles, premières !

Il nous a proposé de partir en quête de solutions naturelles et d’alternatives mal connues pour en faire un documentaire inédit… Un beau défi pour nous à relever, qui nous a tout de suite séduit, nous obligeant à nous plonger dans le monde des abeilles.

Zoom sur abeilles noires dans trou d'arbre
Des tournages acrobatiques où la patience est essentielle.

Premières abeilles, premiers tournages

Peu de temps après, à l’aide d’une amie apicultrice, nous avons installé notre premier essaim sauvage, au fond de notre jardin dans une ruche en paille tressée, recouverte d’argile et de bouses de vache ; nous l’avons abritée. Nous avons pu réaliser nos premières observations quotidiennes au trou de vol, nos premières images près des abeilles, apprendre un peu mieux à connaître ces êtres si différents de nous et si fascinants. Nous avons lancé un premier financement participatif pour pouvoir démarrer les tournages et là nous avons commencé à sentir que de nombreux citoyens étaient sensibles à cette approche du sujet. Tous, nous voulions trouver des solutions naturelles et contribuer à aider les abeilles, nous n’étions pas seuls, plusieurs centaines de personnes décidaient de soutenir le projet. L’heure n’était plus aux lamentations, mais à l’action. Nous nous sommes achetés nos premières combinaisons, nous pensions qu’elles étaient indispensables. Mais rapidement, nous avons apprivoisé notre appréhension et finalement nous ne nous en sommes servis qu’une seule fois… Depuis le début nous travaillions en étroite collaboration avec Bernard et Christina de Terran Magazines avec qui nous réfléchissions et échangions régulièrement. Ils ont fait les premiers repérages, nous mettant sur les premières pistes et nous envoyant de nombreuses images, fruit de leurs observations et rencontres avec les abeilles.

Cela donna lieu à un premier tour de France. De la Lorraine aux Pyrénées, en passant par la Haute Savoie, les Cévennes et l’Ardèche, à la rencontre d’apiculteurs ou d’anciens apiculteurs hors normes, et en chemin vers de nouvelles pratiques. Oui, ils existent, passionnés passionnants, ils se racontent, sans concession. À travers ces témoignages, nous avons découvert l’envers du décor : une apiculture devenue hyper-intensive, si proche de l’agro-industrie. Après avoir pratiqué une apiculture productiviste, ne s’y retrouvant pas, ils et elles s’interrogent et se tournent vers d’autres façons de faire… Et là c’est juste enthousiasmant ! Face aux menaces mortifères, l’espoir est de mise ! Comme tout un chacun, amateurs de miel, nous pensions que l’apiculture était une pratique naturelle. Nous n’imaginions pas à quel point elle était devenue interventionniste, source de stress multiples, tellement loin de la nature de l’abeille.

Même l’amateur achète des reines importées et génétiquement modifiées sur internet… « Elles sont super douces, c’est incroyable ! », « Je peux m’approcher d’elles sans me faire piquer » nous disent-ils. Là, nous nous sommes rendus compte que ceux qui pratiquaient différemment étaient des extra-terrestres, tellement ils étaient rares… Leur donner la parole prenait tout à coup tout son sens. Chacun agit dans son coin, ils partagent les mêmes idées, mais ils ne se connaissent pas… Et la magie du film s’opère, au fil des rencontres, nous tissons des liens invisibles entre eux, nous dessinons l’ébauche d’une toile qui sera la trame d’« Être avec les abeilles »…

Abeilles noires en approche d'une ruche en paille
Abeilles noires en approche d’une ruche de biodiversité en paille.

Des choix assumés

Dès le départ, nous affirmons nos choix : pas d’images réalisées au détriment des colonies. Ne pas ouvrir de ruches est une règle d’or ; observer au trou de vol et c’est tout, nous ne chercherons pas à avoir des images « à sensation » de l’intérieur de la ruche. Nous nous privons d’images spectaculaires de larves, de couvain, de reines, qu’importe, le respect des abeilles est à ce prix, nous l’assumons. Dans notre métier aussi la surenchère des belles images est trop souvent source de dérangement, de stress et au final de dégâts irréversibles et inacceptables.

Et au fur et à mesure de nos rencontres notre intuition s’est confirmée. Ouvrir les ruches n’est pas anodin, c’est un stress qui fait chuter la température et perturbe l’harmonie de la colonie. Tout çà pour quelques secondes d’images volées à l’intimité des abeilles ! Nous n’en voulions pas et vous verrez que ce choix ne nuit en rien à l’esthétique du film, bien au contraire. Tout est question d’attitude : la nôtre derrière la caméra ou le banc de montage, celle de chacun de nous face au monde vivant, à la Nature trop souvent considérée comme ennemi… Il est urgent de faire un pas de côté, de voir les choses différemment, de nous rappeler notre part de responsabilité…

Les tournages continuent, nous partons en Angleterre à la rencontre des membres de l’association anglaise Natural Beekeeping Trust, un réseau de passionnés très actifs qui défendent une approche naturaliste et bienveillante des abeilles, comparable à notre fil rouge, les « ruches de biodiversité ». Laisser les abeilles libres, leur fournir un habitat confortable, des biotopes riches en plantes mellifères et approfondir la relation Homme/Abeille sont leurs motivations. Leur slogan « J’ai été autrefois apiculteur mais les abeilles m’ont pardonné ». Nous adorons leur message et leur sensibilité. Nous les retrouverons en Hollande l’été suivant lors de la conférence Learning from the Bees. Trois jours de rencontres exceptionnelles. L’occasion d’interviewer des spécialistes du monde entier, réunis pour réfléchir et penser des solutions centrées sur les besoins des abeilles, le retour du sauvage, une nécessité pour leur survie et la nôtre aussi.

Des leçons d’humilité

Les abeilles meurent de trop de technologie, de chimie et de pesticides, de destruction des biotopes, d’apiculture intensive où s’ajoutent abeilles génétiquement modifiées, élevage de reines, importations, nourrissage… Et, cerise sur le gâteau, ces mini-drones pour remplacer les abeilles, déjà à l’essai…

Mais quel monde voulons-nous ? Nous, nous voulons être avec les abeilles ! Durant tout ce temps, nous avons eu à cœur de vivre avec elles. Croyant bien faire, nous avons enruché deux colonies. Nous les avons accueillis dans nos ruches en vannerie et warré. Elles sont mortes, nous laissant des ruches vides et nous démontrant qu’il n’y a pas de solution miracle. Douloureuses leçons d’humilité, qui ont attisée notre envie de les comprendre. Leur dernier clin d’œil date de ce printemps 2019. Un après-midi, alors que nous passions devant la ruche à priori vide, des abeilles y étaient revenues… Un nouvel essaim, mais cette fois, c’est lui qui avait choisi de vivre là. Des petites abeilles noires qui ont dû surmonter bien des épreuves, par exemple quand nous les avons vu évacuer des dizaines de leurs sœurs mortes devant la ruche (pesticides). Mais, elles résistent et sont toujours là, très en forme. Elles rentrent du pollen tous les jours, alors que tous nos copains apiculteurs, annoncent avoir perdu cette hiver 2019-2020 toutes leurs ruches…

Nous revenons à la table de montage. Entre urgence et espoir, nous cherchons l’équilibre, comme le funambule sur son fil. Nous interrogeons nos dizaines d’heure de rushs, dans le respect de la parole des personnes que nous avons interrogées… Construire un discours, faire des choix, garder l’essentiel. C’est tellement difficile de faire le tri, nous avons rencontré tellement de personnes passionnantes, tous ne pourront pas y être. C’est ainsi. Ce qui nous guide, nous intéresse, nous interroge, c’est la relation entre l’homme et les abeilles, entre l’humain et le vivant… Être conscient de ce qui se passe, essayer de com[1]prendre même si nous savons que nous n’aurons pas toutes les réponses, bien des mystères restent à élucider, bien des choses restent à dire…

Abeilles noires
Abeilles noires.

Ouvrir d’autres voix

Faire rentrer 3 ans de travail dans 1h30 de film, c’est mission impossible.

Maintenant c’est l’heure des dernières retouches. Le film devrait être terminé quand vous lirez ces lignes. Une première version test très encourageante, présentées au festival Nature et Environnement de Moncé-en-Belin, nous a permis de voir ce qui fonctionnait et ce qui pouvait être amélioré. Nous avons eu de bons retours, de nombreux spectateurs ravis, curieux, interrogatifs… Un ou deux en colère, devinez qui ? … Mais ce film est fait pour cela, pour ouvrir les esprits et d’autres voies, pour en débattre, pour sortir de la situation actuelle, dont tout le monde s’accorde pour dire qu’elle est une impasse…

Être avec les abeilles a trouvé un distributeur pour les cinémas, Jupiter films. Cela laisse augurer une belle et large diffusion de ce film dont l’enjeu est de montrer le vrai visage de l’abeille, encore aujourd’hui réduite à celle de « vache à miel ». Avec vous, nous espérons une diffusion la plus large possible et l’organisation de nombreux ciné-débats, pour échanger, discuter, imaginer d’autres façons d’être avec les abeilles. A suivre, nous avons hâte… Si vous êtes intéressés pour organiser une soirée près de chez vous, n’hésitez pas à nous contacter. Jupiter film pour les diffusions (programmation@jupiter-films.com), et nous pour toutes autres questions. En attendant la sortie nationale, nous l’espérons très prochainement…


Article rédigé par Perrine Bertrand et Yan Grill à retrouver dans le sixième numéro de la revue Abeilles en liberté.

2 Comments

  1. Bonsoir !
    Ayant Une longue carrière apicole derrière moi …et intrigué par votre recherche de la compréhension de l’abeille je me permets de vous signaler un livre ,unique en son genre,« La merveilleuse Loi de la grappe » de Henri Muller édité en 1945 .
    Ce chercheur a fait de nombreuses expériences en n’ayant pas peur d’aller dans le cœur de la grappe …et en découvrir des secrets allant à l’encontre de bien d’idées préconçues .
    Si ce n’est fait je vous engage à le consulter .
    Bien cordialement .
    C.S.

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