Pollinis, une ONG qui dérange ?

Comment et quand est né Pollinis ?

En 2012, nous avons monté avec quelques citoyens engagés le Conservatoire des Fermes et de la Nature (CFN). Nous militions bénévolement pour l’interdiction totale des pesticides néonicotinoïdes, particulièrement toxiques pour les abeilles, et pour la révision des procédures d’évaluation des pesticides au niveau européen. L’un des premiers projets du CFN s’appelait POLLINIS. Il s’agissait de créer un réseau de Conservatoires d’abeilles noires dans toute la France en proposant aux citoyens de parrainer (et non d’acheter) une ruche. Avec des fonds personnels et l’argent de quelques amis intéressés par le projet, nous avons lancé deux ruchers.

C’est là que les problèmes ont commencé.

Oui ! Quelques apiculteurs professionnels y ont vu une forme de concurrence, alors qu’à terme, POLLINIS espérait convaincre les professionnels de proposer eux-mêmes des parrainages de ruches, avec ou sans l’aide de l’association. D’autres se sont sentis implicitement attaqués par le cahier des charges orienté vers une « apiculture naturelle » qui remettait en cause certaines pratiques apicoles. Ce cahier des charges nous semblait pourtant une évidence à l’époque, notre objectif étant simplement de contribuer à conserver les abeilles locales pour ce qu’elles sont : un merveilleux patrimoine naturel commun. D’autres n’acceptaient pas que de simples citoyens, urbains de surcroît, ou de petits apiculteurs amateurs (et passionnés), interviennent dans le monde des abeilles.

Quelle forme ont pris ces attaques ?

Certains sont allés jusqu’à joindre par téléphone les bénévoles et les mécènes qui soutenaient la
création de conservatoires pour dénigrer POLINIS et les dissuader de travailler avec l’association. En parallèle, POLLINIS a subit des attaques violentes sur Internet de la part de ces apiculteurs, mais aussi de la part de l’industrie agro-chimique. Car les premières pétitions de l’association pour l’interdiction des néonicotinoïdes rencontraient un succès phénoménal…. Nous avons donc décidé de mettre un terme aux ruchers conservatoires, au moins provisoirement, notamment pour épargner les partenaires du projet. Pour plus de clarté, le Conservatoire des Fermes et de la Nature, qui était désormais connu pour le projet POLLINIS, a changé de nom et est devenu POLLINIS en 2014.

Quelles sont les missions de l’association ?

Les missions de POLLINIS s’articulent autour de la lutte contre la disparition des insectes pollinisateurs, qui constitue, à court terme, une grave menace pour la survie de notre écosystème et de notre sécurité alimentaire. Face à cette situation, notre association milite pour la protection des abeilles domestiques et sauvages, et pour une agriculture qui respecte tous les pollinisateurs. Les actions de l’association portent sur quatre thématiques complémentaires : la protection des pollinisateurs ; l’interdiction des pesticides ; la promotion d’une apiculture durable (et la défense des abeilles locales européennes) ; la valorisation des solutions agricoles alternatives.

Comment travaillez-vous ?

Nous produisons des études qui analysent les politiques publiques et permettent de formuler des propositions. Nous menons des campagnes de mobilisation citoyennes, notamment par le biais de pétitions, et nous faisons du contre-lobbying pour porter les revendications des citoyens auprès des élus et des institutions et ne pas laisser toute la place aux lobbys agrochimiques. POLLINIS soutient aussi et accompagne des projets agricoles innovants, respectueux des pollinisateurs. C’est beaucoup pour une petite équipe d’une
douzaine de personnes ! Mais nous sommes tous très motivés !

Pollinis, une ONG qui dérange ?

Bien sûr que POLLINIS dérange. Aujourd’hui les attaques viennent de sites Internet travaillant (officiellement ou non) pour les intérêts de l’agrochimie, et de quelques syndicats d’apiculteurs qui voient d’un mauvais œil une association de citoyens attachée à défendre les abeilles et non la filière économique du miel. Il est question de « nébuleuse » et même « d’escroquerie »… Selon ces articles mensongers, POLLINIS aurait pour seul but de revendre les adresses mails de ses sympathisants et des signataires de ses pétitions. Une fable montée de toute pièce et qui repose sur des amalgames insidieux. Malheureusement, certains journaux réputés « sérieux » relaient ces rumeurs infondées et malveillantes sans chercher ni à les vérifier ni à nous contacter. POLLINIS a tardé à se défendre. Mais devant l’ampleur des attaques, à la hauteur de nos succès, nous avons pris la décision de nous défendre et d’attaquer en diffamation toutes les personnes physiques ou morales qui colporteraient ces mensonges. Et en 2018, l’UFC-QueChoisir a ainsi été lourdement condamnée pour diffamation à notre encontre. POLLINIS est pourtant l’une de rares associations à ne jamais, par principe, échanger ou vendre les données personnelles de ses sympathisants (comme il est précisé sur toutes nos pétitions et nos formulaires de don), alors même que cette pratique est courante et parfaitement légale qui constitue une source de revenu supplémentaire pour la plupart des ONG. Il suffit de consulter le site Internet de l’association, ses bulletins de liaisons, communiqués de presse et nombreuses publications pour avoir une idée précise des nombreuses actions que mène la petite équipe de POLLINIS pour la protection des insectes pollinisateurs.

ONG Pollinis
L’équipe de POLLINIS à la dernière Fête de l’abeille noire dans les Cévennes cet automne.

Pollinis n’existe que par les dons des donateurs, quels engagements garantissent la bonne utilisation des sommes versées…

Dès le départ nous avons fait le choix radical de n’accepter aucun financement de la part d’entreprises, de l’État, d’institutions européennes ou nationales, de partis politiques, de syndicats ou d’organisations professionnelles. Nous dépendons donc entièrement des particuliers qui nous soutiennent. Ce sont eux, à 100 %, qui nous permettent de mener à bien nos campagnes. Ce choix nous assure une indépendance politique et une liberté de parole et d’action totales. Il implique aussi une parfaite honnêteté et transparence de notre part. Nos comptes, consultables en ligne, sont systématiquement contrôlés par un Commissaire aux comptes. Ils attestent que l’association n’est engagée dans aucune activité commerciale. En décembre 2018, après plus d’une année d’audit, POLLINIS s’est vue décerner le label « Don en Confiance ». Une reconnaissance inédite pour une association aussi jeune que la notre et de cette petite taille. Cette labellisation confirme que l’association respecte strictement les quatre principes cardinaux du comité de la Charte : « respect du donateur, transparence, recherche d’efficacité, probité et désintéressement ».

quels sont les rapports de Pollinis avec les apiculteurs professionnels ? Et avec les syndicats représentants ceux-ci ?

POLLINIS a vocation à défendre l’intérêt général, celui des citoyens – pas les intérêts économiques de quelques gros apiculteurs professionnels. Nous voyons avec crainte se mettre en place dans l’apiculture ce qui s’est passé dans l’agriculture à partir des années 1960 : l’industrialisation du secteur, poussée à la fois par l’agro-industrie et l’État qui travaillent avec quelques grosses structures de la filière apicole et certains syndicats… Nous ne voulons pas non plus que les apiculteurs se retrouvent inféodés à l’agro-industrie qui a terriblement besoin de leurs abeilles pour polliniser les cultures abreuvées de pesticides, ces vastes déserts biologiques qui ont tué tous les pollinisateurs… De nombreux apiculteurs nous rejoignent sur ces points, parmi ceux qui ont conscience des dangers qui les guettent. Evidemment, ceux qui ont un intérêt économique à cette marche forcée vers l’industrialisation du secteur nous apprécient peu…

Ses détracteurs reprochent à Pollinis de thésauriser plutôt que de redistribuer les fonds recueillis sur des actions et projets concrets au bénéfice des pollinisateurs, qu’en est il ?

POLLINIS est une association loi 1901, à but non lucratif. Pourquoi thésauriser ? Nous avons toujours eu une gestion prudente, qui a permis à l’association de prendre l’ampleur qu’elle a aujourd’hui, en quelques années seulement, et malgré tous les bâtons que l’on nous a mis dans les roues. Plus de 66 % des dons faits à POLLINIS sont affectés directement aux projets de terrain et aux actions politiques que nous menons pour débarrasser notre monde des pesticides tueurs-d’abeilles et imposer un modèle agricole qui respecte les pollinisateurs et la biodiversité : campagnes de sensibilisation, contre-lobbying citoyen, campagnes de pression sur les hommes politiques et les institutions, en France et au niveau européen, études et recherches scientifiques indépendantes que nous finançons. 21% des dons sont affectés à nos principaux postes de dépenses organisationnelles : le conseil juridique, la comptabilité, les équipements, les fournitures… – tous ces postes indispensables pour pouvoir mener nos actions. Les 13 % restants sont dédiés à la collecte de fonds, car la capacité de POLLINIS à agir efficacement repose intégralement sur la générosité des citoyens engagés à ses côtés. C’est un pourcentage modeste par rapport aux ONG en général.

Pollinis a favorisé la création de la FEDCAN (Fédération Nationale des Conservatoires d’Abeilles Noires), pourquoi ?

Depuis le début de POLLINIS nous voulions mettre sur pied un réseau de Conservatoires. Après nos premiers déboires, il semblait plus judicieux et plus efficaces de s’appuyer sur l’expertise de conservatoires existants, que nous avons rencontrés peu à peu. En tant que membre fondateur de la FEdCAN, notre rôle est de les aider à se réunir, à formuler des objectifs communs et d’obtenir une protection juridique à Paris et à Bruxelles pour des espaces naturels préservés des pesticides, réservés aux abeilles locales afin de sauver leur précieux patrimoine génétique en harmonie avec leur milieu naturel, pas dans des labos et des banques génétiques.

Sur quels autres projets de protection des pollinisateurs, Pollinis souhaite t’il s’engager dans l’avenir ? Ces projets s’inscrivent-ils sur le long terme ?

Nous travaillons sur le prototype d’un outil de destruction des nids de frelon asiatique, sans pesticide. Nous soutenons le projet Apiformes de l’INRA qui recense les abeilles sauvages et sensibilise les futurs agriculteurs à l’importance des pollinisateurs sauvages. Nous avons aussi un projet en gestation qui s’appelle Terres de pollinisateurs : une galerie de portraits d’agriculteurs qui produisent sans pesticides et montrent par l’exemple que la transition agricole est à portée de main. Depuis quelques mois, nous travaillons aussi sur un projet visant à restaurer les ressources florales et l’habitat menacé des pollinisateurs sauvages, un projet qui s’inscrit dans le très, très long terme : nous avons déjà défini un premier cahier des charges décrivant la haie idéale, avec des essences locales pour les pollinisateurs locaux, et des partenariats avec des agriculteurs, avec l’Agroof, spécialiste de l’agro-foresterie et l’Afac-Agroforesterie, qui rassemble les associations spécialisées dans la plantation des haies. En janvier, l’équipe de POLLINIS est allée planter avec 40 étudiants de lycées et BTS agricole les premiers 750 premiers mètres de haies au cœur de la Beauce : tout un symbole.

Quelles différences entre « défense des abeilles » et « défense de l’apiculture » ?

Il y a « défendre l’apiculture » c’est-à-dire un secteur économique, celui du miel. Ce n’est pas notre objectif. Il y a « défendre les petits apiculteurs », ce à quoi nous aimerions contribuer. Et il y a « défendre les abeilles », domestiques et sauvages, et tous les insectes pollinisateurs, c’est notre mission première.

Si vous deviez présenter les principales valeurs défendues par Pollinis, quelles seraient-elles ?

L’indépendance absolue vis-à-vis de tous les pouvoirs économiques et politiques – c’est la seule façon de pouvoir défendre efficacement l’intérêt général. L’autre point cardinal, c’est la place des citoyens au cœur du débat sur des questions politiques et techniques qui les concernent en premier lieu : l’agriculture, l’usage des pesticides et la protection des abeilles et des pollinisateurs. Il ne faut jamais oublier que ce sont les citoyens qui se nourrissent des produits de l’agriculture, et qui financent indirectement les aides et subventions dont bénéficient ces secteurs. Ils désirent ardemment, comme nous, protéger la nature et la biodiversité. Ils doivent avoir voix au chapitre sur toutes ces questions.

Plus d’informations sur Pollinis sur leur site internet : www.pollinis.org

7 Comments

  1. Bonjour j’habite à Marseille dans le 13 eme arrondissement quartier résidentiel entre 2 parcs de la ville et mitoyenne avec un très beau parc d’une maison de retraite. J’ai un petit jardin avec quelques arbres fruitiers (nefliers, figuier…) des lauriers un jasmin et un petit bassin avec des poissons. L’année dernière je me suis même fait un petit potager, fait une zone Bzzzz avec les graines reçues, planté des lavandes pour attirer les pollinisateurs. Jusque là tout va bien pensant être dans un endroit « privilégié ». Mais depuis 5 mois environ je trouve quotidiennement au moins une abeille morte voire en train d’agoniser.! En faisant plus attention je me suis rendus compte qu’il n’y avait même plus de guêpe même autour des arbres fruitiers. Hier encore j’ai trouvé 2 bourdons morts. Il n’y a quasiment plus d’insecte volant!!!
    C’est très inquiétant !!! Comment peut-on savoir s’il y a une pollution possible et par quoi? Mise en place de la 5G ? Épandage de pesticides aux alentours ? Je ne suis pas la seule à faire ce triste constat malheureusement beaucoup de personne du collectif 13012 sur Facebook ont constaté la même hécatombe. C’est un cri d’alarme que je lance!!! Merci 🙏

    • Bonjour, merci pour la description de votre petit jardin favorable à la biodiversité en milieu urbain. Le fait de retrouver une ou deux abeilles mortes devant la ruche n’a rien d’anormal, les ouvrières d’été vivent 5 semaines et il y a une mortalité naturelle élevée. En haute saison, on retrouve souvent bien plus d’une abeille morte ou agonisante devant la ruche ! De même, retrouver un ou deux bourdons morts n’a rien d’alarmant. Par ailleurs, si je comprends bien votre description, le fait de rencontrer plus de guêpes que d’abeilles autour des arbres fruitiers (en dehors des périodes de floraisons) est plutôt normal. Les guêpes se nourrissent volontiers des fruits mûrs, les abeilles le font nettement moins car elles recherchent en priorité nectar et pollen.
      Par contre la question de l’effondrement des insectes volants est en effet un problème majeur ! Le journaliste Stéphane Foucart documente très bien ce phénomène dans son ouvrage récent « Et le monde devint silencieux, comment l’agrochimie a détruit les insectes ». Ce livre répond à une grande partie de vos questions.

      La revue Abeilles en liberté suit de près tous ces sujets, nous surveillons ce qui se passe autour de la 5G et des ondes sans pouvoir pour l’instant proposer à nos lecteurs une synthèse solide. Mais cela viendra, nous comptons le faire en fin d’année ou en début d’année prochaine dans la mesure de notre disponibilité. Pour l’heure, je vous invite à lire l’article de Fabrice Nicolino qui s’appuie sur une méta-analyse allemande (à lire ici https://fabrice-nicolino.com/?p=5102).
      à bientôt,

  2. Bonjour
    Apiculteur amateur depuis 20 ans, je travaille depuis 7 ans sur une surface d’un hectare et demi, à planter des centaines d’arbres et d’arbustes tous nectarifères et pollinifères pour mes abeilles et pour toute les autres abeilles que je vois apparaitre d’année en année plus nombreuses.
    Ainsi j’ai des fleurs toute l’année qui sont butinées même actuellement par différents bourdons.
    Le vrai combat n’est pas de sauver apis mellifèra mais de sauver toutes les autres.
    Cordialement
    Pierre SIMON

  3. Bonjour philippe bruxelles née 12 03 1972 vie en guyane française un arrêté pour la destruction des apis adansonii et apis mellifica scutellata

  4. Vous envoyer un don électronique ne marche pas . Aussi je vous adresserai un chèque de 50 Euros à votre adresse de Paris, 10 rue Saint Marc, dans le 12ème.
    Voudriez-vous m’en accuser réception lorsque vous recevrez la lettre ?

    En vous remerciant

    • Bonjour,
      si vous voulez faire un don à Pollinis c’est la bonne adresse. Si c’est pour Abeilles en liberté, il suffit de s’adresser à nous.

  5. Merci pour cette approche et mise au point.
    Je connais Pollinis depuis quelque temps. Le fonds est évident de bon sens, comme l’est l’écologie profonde. Il est plus qu’urgent de dénoncer par la même occasion le « greenwashing » récupérateur qui dévoie une masse de gens conscientisés mais non suffisamment informés de la cause des causes.
    Ceux-ci alimentant donc des concepts qui, hypocritement, argumentent pour la sauvegarde des abeilles mais aux seules fins d’un agro-business jamais rassasié. La taille de nos ennemis est proportionnelle à l’importance des idées de nos actions. Cela est toujours évident dans tous les combats. L’idée de « conservatoires » est primordiale. Si on pouvait les accoler aux zones Natura 2000 et autres zones protégées ce serait déjà un acquis : élargir de proche en proche les « taches » protégées …
    Merci à tous les acteurs d’une réflexion de bon sens.

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