InterApi, hold-up sur la filière apicole ?

Synthèse rédigée par l’apiculteur bordelais Stéphane Ortega.

Ce dernier annonçant que « seules les filières agricoles disposant d’un plan de filière porté par les interprofessions seraient accompagnées et soutenues financièrement. » [source SNA] Sa mission est « d’organiser le dialogue interprofessionnel et de représenter les intérêts de la filière apicole. » [source UNAF] « Elle regroupe treize organisations professionnelles membres réparties en un collège production et un collège commercialisation. » [source UNAF]

Elle bénéficie d’une reconnaissance en qualité d’organisation interprofessionnelle « au sens de l’article 157 du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 susvisé dans le secteur des produits de la ruche » [source SNA] dont l’encadrement permet à l’interprofession INTERAPI après accord, d’instaurer une collecte de fonds pour financer des actions liées aux deux collèges. Pour l’amont, une cotisation annuelle de 160€ sera prélevée auprès de tous les exploitants AMEXA et 60€ auprès des cotisants solidaires.

Actions collège production [source SNA]

  • Soutenir les actions, pratiques et règlements permettant d’améliorer l’environnement des abeilles ;
  • Lutter contre le varroa en finançant des projets qui visent à mettre à disposition de nouveaux moyens de lutte et/ou à évaluer les moyens de lutte afin d’améliorer les stratégies de lutte des apiculteurs ;
  • Lutter contre le frelon asiatique en finançant des projets afin d’améliorer les connaissances sur ce ravageur et son impact, des projets d’évaluation de moyens de lutte et des projets de développement de nouveaux moyens de lutte le cas échéant ;
  • Œuvrer au maintien et au développement des ressources nutritives naturelles pour les abeilles ;
  • Travailler sur la qualité et l’évaluation de la qualité des cires ;
  • Financer des projets afin de mieux comprendre l’impact des techniques de nourrissement sur la qualité des produits de la ruche ;
  • Travailler avec les parties prenantes de la conservation de l’abeille Noire afin de s’assurer du bienfondé de cette conservation et, le cas échéant, de l’encadrer ; [le bienfondé de cette conservation !]

Avec notamment des actions déjà mises en place :

  • Contribution au financement des travaux d’homologation permettant la mise à disposition d’un nouveau procédé pour lutter contre varroa ;

Actions collège commercialisation [source SNA]

  • Réfléchir à la mise en place d’outils permettant une meilleure valorisation des produits de la ruche ;
  • Communiquer sur la filière apicole auprès des consommateurs et des décideurs publics ;
  • Participer au financement d’études pour répondre aux questions des consommateurs ;
  • Travailler sur la *normalisation internationale* des produits de la ruche ;
  • Communiquer sur les produits de la ruche afin *d’augmenter* leur consommation ;

Avec notamment des actions déjà mises en place :

  • Modification de la loi relative à l’étiquetage des miels d’importation ;
  • Participation aux travaux relatifs à la normalisation des produits apicoles ;
  • Accords interprofessionnels pour *l’écoulement des stocks* de miels français.

Actions générales [source SNA]

  • Organiser la lutte contre les fraudes avec les acteurs des contrôles et des sanctions ;
  • Financer des travaux afin d’augmenter les connaissances sur la structuration de la filière apicole ;
  • Financer des travaux afin d’augmenter les connaissances sur la structure technico-économique des exploitations apicoles ;

« INTERAPI adaptera également son action en fonction des actualités de la filière et reste à l’écoute des acteurs économiques via les *structures membres* d’InterApi […] »

Plusieurs questions apparaissent :

  • « Une filière désigne couramment l’ensemble des activités complémentaires qui concourent, d’amont en aval, à la réalisation d’un produit fini […] » [source INSEE]
  • « Une interprofession est le regroupement de plusieurs acteurs économiques engagés dans une filière de production et/ou de commercialisation commune et a comme objectif d’agir pour l’intérêt commun de l’ensemble de ses membres. » [source Wikipedia]

En tout lieu, en toute époque des pensées contraires sont toujours en confrontation. Qui peut alors se prévaloir d’agir pour l’intérêt commun ? Est-il envisageable aujourd’hui, dans le contexte actuel de crises environnementale, sanitaire et économique de penser faire perdurer voire accroître un modèle productiviste ?

Si la politique actuelle vise à valoriser l’image de l’apiculture auprès du consommateur :

Pourquoi accentuer le modèle de production intensive en poussant les consommateurs à consommer davantage alors que la tendance s’oriente au contraire vers une gestion plus régulée de la consommation ? Pour quelle raison le pôle production devrait-il être plus performant pour produire davantage alors que les stocks de miel français ne sont pas écoulés ?

Si la politique envisagée est d’informer le consommateur pour l’orienter vers une consommation de miels français pourquoi y a-t-il autant d’importation de miels d’autres pays ?

Est-il possible d’imaginer que le consommateur serait disposé à augmenter sa consommation, si demain l’information venait à circuler que les plus grosses exploitations apicoles en France comprennent plusieurs milliers de ruches, que
les abeilles sont exploitées comme des Holsteins, nourries, traitées, transhumées, traumatisées par des « opérations apicoles », notamment les Reines instrumentalisées par des inséminations artificielles et tuées au bout de deux ans lorsque le chapelet d’ovules est insuffisamment fécondé par le nombre de spermatozoïdes restant ?  Si l’information venait à circuler que l’apiculture en générale et Française de surcroît contribue par ces pratiques productivistes à la disparition des souches d’abeilles « domestiques » et sauvages, implantées dans les milieux naturels depuis des milliers d’années, est-il possible d’imaginer que le consommateur augmenterait ses habitudes alimentaires concernant les produits de la ruche ?

Chaque colonie implantée sur un territoire butine dans un rayon de plus ou moins trois kilomètres. Un cercle dont le centre inscrit la colonie. Si au point de cet épicentre sont regroupées des dizaines voire des centaines de colonies alors les ressources nectarifères et pollinifères sont divisées par le nombre de colonies installées artificiellement en ce lieu. Ce sont alors plusieurs millions d’abeilles qui se retrouvent en concurrence entre elles notamment pendant les périodes fréquentes de disette et participent de fait au déclin des autres insectes pollinisateurs — sans compter la propagation des maladies et parasites.

  • 80% des insectes volants ont disparu de la surface du globe – comprenant les insectes pollinisateurs mouches, papillons, etc.
  • 60% des espèces animales sont éteintes pour toujours [source Arte, France Culture, diverses revues et livres scientifiques].

« La Méthode scientifique, Insectes : mais où sont-ils tous passés ? », replay France Culture.

Est-il possible d’imaginer qu’en hybridant des souches natives avec des abeilles exotiques afin d’obtenir des colonies productives et en répliquant intensément ces abeilles non adaptées aux écosystèmes, assistées par des tuteurs que sont les nourrissements et les traitements, impliquant de fait par la propagation une dilution jusqu’à disparition des espèces indigènes (c’est-à-dire originaire du Pays), est-il possible d’imaginer que certains apiculteurs, entomologistes, naturalistes et autres passionnés puissent cautionner ces pratiques ? [cf. polémique sur la conservation de l’abeille noire, notamment avant dernier point des actions du collège production]

Les choix de société et la responsabilité collective

Est-il possible d’imaginer que les consommateurs seraient garants de ces coutumes inconscientes ?  Une voix semble s’élever : Il faut bien nourrir la planète ! Vraiment ? Jusqu’à aujourd’hui quelle institution, quel organisme a obligé un producteur à produire ? Il appartient à chacun d’orienter son mode de production vers une culture intensive ou pas.  Si il existe des apiculteurs ayant des milliers de ruches ou des agriculteurs ayant des milliers d’hectares à cultiver, c’est avant tout des actes personnels pour servir des « propres » intérêts. Que chacun y trouve son compte.

Enfin, est-il vraiment possible d’imaginer que le modèle productiviste instauré par une explosion démographique depuis un siècle puisse se poursuivre éternellement ? Nous sommes passés en quelques décennies d’un milliard et demi d’individus à l’aube du XXe à près de huit milliards à la date de ce jour [ined.fr]. Les zones urbanisées, bétonnées ont suivi la courbe exponentielle des vivants humains ; au minimum, ces zones se sont multipliées par sept. Les liaisons interurbaines ont augmenté également de façons significatives. Milieux urbains bétonnés et liaisons interurbaines (routes, autoroutes, voies ferrées, aéroports, etc.) bétonnées également réduisent de fait les zones naturelles.  Et l’humanité à nourrir ? Aux abords des villes, les champs accueillent les cultures partout en Europe et dans le Monde.

Des monocultures hybrides, OGM, hautement traitées avec des pesticides où aujourd’hui, chardons, coquelicots, bleuets et toute plante adventice sont bannies de leurs espaces naturels. En pointant ce qui se vend dans les GMS (Grandes & Moyennes Surfaces), on observe que les céréales sont loin devant toute production agricole : pains, pâtisseries, viennoiseries, gâteaux secs, farines, céréales du petit déjeuner, etc.  Indirectement produites également pour le nourrissement des animaux pour la production de viandes, de produits laitiers, d’œufs.  Les cultures céréalières sont majoritaires : le blé principalement. Un autre rayon important de la consommation humaine est l’alcool. Depuis l’antiquité les cultures viticoles « assainissent » le paysage Européen et Mondiale. Des millions d’hectares dévisagées de toute biodiversité. Et pour finir, un dernier exemple de culture démesurée non prise en compte dans l’alimentation humaine, la sylviculture. Une production de bois échappant à la raison pour la fabrication des maisons, pour les charpentes, pour les meubles, pour les planchers, pour le bois de chauffage, pour le papier hygiénique, les essuies-tout,  les livres, les emballages alimentaires, les cartons, etc.

La forêt des Landes de Gascogne en est la plus digne représentante. Juste ces trois grandes monocultures que sont les céréales, la vigne et les pins/sapins « défoncent » le territoire et réduisent les zones naturelles à peau de chagrin où la diversité florale permettait d’ensemencer la vie. Chaque espèce, chaque être vivant, chaque être pensant possédait un droit d’existence : une place, toute une place, juste une place. Cultures céréalières, cultures viticoles, cultures sylvicoles sont de l’ordre des gymnospermes [Wikipédia], c’est-à-dire de plantes pollinisées par le vent et non par les insectes. Nous semons le vent. Nous humains, par notre présence, par nos modes de consommations sommes responsables pour une partie non négligeable de la disparition des abeilles. Nous sommes responsables de la disparition des espaces naturels, des plantes qui composent ces milieux et de la faune qui en dépend. Nous sommes tous responsables par nos actes et nos modes de consommations du déclin des espèces vivantes. Ces questions devraient être en tête de liste des préoccupations environnementales au lieu d’élaborer des idées bassement matérielles du genre « comment récolter des fonds pour instaurer un système de production, de commercialisation et de contrôle » où le libre arbitre est anéanti, où la richesse de la diversité est abolie.  Arrêtons s’il vous plaît.

Cela semble étonnant qu’il puisse encore être imaginé fédérer des gens en imposant ou pour reprendre un terme employé et courant à l’heure actuelle, en « instaurant » sans appel un système directif et productiviste.  Possible que ce soit justement l’inverse qui se produira.

Quelques sources

5 Comments

  1. Je ne suis pas sur de bien avoir compris ce que dit cette tribune. Est-ce le principe d’une « structure » représentative de la filière apicole qui est jugé scandaleux ou le principe d’une cotisation obligatoire (supplémentaire) ?
    Et oui pour défendre une apiculture respectueuse de l’abeille et des paysages, peut-être, pourquoi pas, un modèle non productiviste, mais savez-vous qu’en face il existe des « lobby » actifs et organisés (je sais que la réponse est oui) et que côté apiculture il y a environ 5000 pro (i.e. plus de 50 ruches et cotisants MSA) et 7 Syndicats (dont certains se donnent beaucoup de mal pour exister en racontant…. l’exact contraire du concurrent). Comment voulez-vous que l’apiculture soit prise au sérieux dans un monde de rapport de forces comme le nôtre ?

    • C’est justement ce que nous reprochons à cette initiative ! Une « structure » non représentative marquée par une fuite en avant productiviste, une cotisation obligatoire (supplémentaire), etc. N’hésitez pas à reprendre le texte de la pétition dans son ensemble 😉

  2. C’est sur qu’Interapi est un faux nez de la FNSEA avec ses représentants motivés par l’emfumage des actions des apiculteurs contre les neocotinoides déversés en masse par leurs petits camarades gros céréaliers et autres producteurs qui travaillent directement pour les industriels de l’agroalimentaire…

  3. Je suis bien d’accord, mais ça va l’abeille qu’elle qu’elle soit est toujours conditionné par l’eco système dans laquelle elle se trouve, or les écosystèmes on les modifit radicalement (par exemple prairies ray-grass= plus aucune fleur). Moi j’ai connu « l’interprofession » alors les bla-bla d' »interapi » j’y croirait le jour où il n’y aura plus du tout de plastique dans les océans !

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